Le cinéma

Avant toute chose, il convient de présenter le cadre géopolitique irlandais,car on ne peut pouvoir prétendre à pouvoir comprendre si on ne connait pas, du moins relativement, l'historique de ce paysage et de ce pays. Il est important de préciser que cela est une constante du cinéma irlandais, qui entretient un rapport très étroit avec son histoire, l'un ne pouvant aller sans l'autre.

Sans entrer totalement dans un aspect purement culturel, il est néanmoins important de se rendre compte que l'Irlande possède un passé riche en guerres, en conflits, qui l'ont, elle et ses habitants, terriblement marquée. Que ce soit à cause de l'envahisseur anglais, à cause des problèmes agricoles, ce pays a connu de tout temps des périodes terriblement noires, gardant encore de nos jours ce sentiment de malheur qui peut expliquer la noirceur des oeuvres. Voici quelques grands faits à ne pas négliger, élements indispensables à la parfaite compréhension du cinéma irlandais et au thème de la solitude.

1169: Invasion de l'Irlande par Henri II d'Angleterre

1175 Traité de Windsor consacrant la suzeraineté de l'Irlande à l'Angleterre

1366 Statutes of Kilkenny empêchant tout rapport entre Anglais et Irlandais.

1494 décembre Adoption de la loi de Poynings à Drogheda mettant fin à l'indépendance du Parlement irlandais.

1536 mai Le Parlement irlandais reconnaît Henri VIII comme chef de l'église d'Irlande

1541 juin Henri VIII est déclaré roi d'Irlande par le le Parlement irlandais

1555 Bulle papale faisant de l'Irlande un royaume (seigneurie auparavant).

1649 juin Le Parlement nomme O. Cromwell gouverneur général d'Irlande.
1649 août Arrivée de Cromwell à Dublin.
1649 septembre Massacre de Drogheda par Cromwell (2 500 morts).
1649 octobre Massacre de Wexford par Cromwell.

1691 Interdiction parlementaire d'accès à la Chambre des Communes et l'administration pour les Catholiques.
1695 Interdiction aux Catholiques d'enseigner en Irlande, début de l'introduction progressive des lois pénales.

1704 Loi définissant la propriété foncière en Irlande (favorisant les colons britanniques).
1704 Loi sur les attributions des autorisations locales d'exercice pour les prêtres catholiques.
1709 Loi obligeant les prêtres catholiques à prêter serment d'allégeance à la couronne

1815 début de l'émigration massive

1845 Début de la Grande Famine" (jusqu'en 1847).

1921 6 décembre Séparation de l'Irlande, les six comtés du nord restent intégrés au Royaume-Uni.

1922 Création de la république d'Irlande.

1949 18 avril Proclamation officiel de la République d'Irlande

Nous avons volontairement passé sous silence l'histoire et les grands épisodes politiques des dix-neuvième et vingtième siècle. Cette chronographie n'a pour seul but que de montrer que l'histoire de l'Irlande n'est en réalité qu'une longue succession de tyrannie, d'injustice et de répression de la part de l'Angleterre. Encore de nos jours, l'Irlande du nord, l'Ulster, peut être considérée comme un pays occupé, qui est quasiment le seul dans ce cas dans toute l'Europe. C'est également un des thèmes majeurs du cinéma irlandais contemporain.

A la vue de son histoire, il devient compréhensible que l'irlandais soit un solitaire dans l'âme. Le thème de l'exil, et donc de la solitude rurale, est une des conséquence directe de la grande famine de 1815, qui provoqua l'exode massif vers les Usa et le Canada de millions d'irlandais.

(Suite demain)

- Introduction -

Le cinéma irlandais a toujours été porteur d'une imagerie particulière, et ce depuis les débuts archaïques de sa production. Dès le commencement de l'histoire du cinéma en Irlande, un certain type, une certaine catégorie picturale est née, donnant lieu à une représentation onirique de cette terre d'Irlande, si souvent imaginée et très souvent mal représentée. Cependant, il n'est pas question ici de discuter de cet état des choses, mais bel et bien d'étudier ces paysages en question

Deux grands courants peuvent être détachés d'une filmographie exhaustive des oeuvres d'une part des cinéastes irlandais et d'autre part des oeuvres ayant été tournées en Irlande. Pour des raisons de clarté, nous ne séparerons pas ces deux catégories, même si cela devrait se faire dans d'autres cadres d'études. En effet, cela n'aurait pas de sens de vouloir différencier des paysages d'un même pays, et cela seulement au  nom d'une certaine vision purement politique et nationalististe dont l'argumentaire n'apporterait rien ici.

Le thème de base dans ce dossier est donc l'étude de la solitude dans les paysages irlandais. Nous pouvons déjà définir deux grands types de paysages récurrents: ceux des terres paysannes, notamment du Connemare, et celles, d'utilisation cinématographique plus récente, des milieux urbains. Apparement antagonique, ces deux éléments n'en sont pas moins étroitement liés, vivant intrinsèquement l'un en l'autre, renvoyant chacun à un extrême, à un «pôle ».

Quasiment toutes les images de l'Irlande campagnarde renvoient au thème du retour à la terre, du paysan revenant dans son village après de longues années d'exil, et qui doit se battre pour faire accepter sa considération des choses. Cela apparaît notamment dans The quiet man  de John Ford ou dans The Field, de Jim Sheridan. Quoique espacé de presque 30 années, la réalisation de ces deux films montrent à quel point ce thème apparaît souvent, en dépit de cette volonté nouvelle du cinéma irlandais de couper avec les clichés de l'ancien temps. Ces deux films, dont nous étudierons la structure picturale, sont tout deux des réussites absolues, reconnues et nominées de par le monde. Ils sont également, d'un autre côté, des acteurs importants de cette tendance à une vision de l'Irlande dépassée et uniquement fondée sur la (mé)connaissance de ces oeuvres.

L'autre grand champ d'étude portera aussi sur la solitude, mais dans le cadre urbain. Des réalisateurs tel que Neil Jordan ou Gerard Stembridge, deux des principaux acteurs de ce nouveau courant irlandais, se sont fait une spécialité de montrer qu'une ville peut apporter autant, visuellement parlant, qu'une montagne déserte du Connemara, puisque c'est dans cette région que sont tournées les principales scènes des films « ruraux ». En choissant de filmer à Galway,  Belfast ou Dublin, voire même dans des villes perdues au fin fond des campagnes irlandais, le thème de la solitude rurale est renforcé par l'esthétique particulière des ces films.

Nous verrons enfin comment ces deux thèmes sont en réalité dépendant l'un de l'autre, et ce sans que cela ne paraisse paradoxal.

Titulaire depuis peu d'une maitrise de cinéma obtenue à l'Université Paris 1, sur le thème du Cinéma irlandais, je vais tenter ici de créer, d'analyser, de me lancer dans mon grand rêve d'écriture.

Vous trouverez dans ce cahier personnel des choses sûrement pas en rapport les unes aux autres mais je ne peux m'empêcher de tracer la plus large courbe possible de description.

Vos critiques ou encouragements sont évidemment les bienvenues...

Soyez donc mes invités !